• "Je ne suis pas un hérisson, ni un paillasson"

    "Je ne me laisse pas faire mais je ne suis pas méchant,... "

    dit la chanson.

    C'est ainsi que l'on pourrait résumer l'expression "ni hérisson ni paillasson".

    Dans les faits ce n'est pas simple.

    Lors d'un conflit, l'adulte peut penser qu'il est normal de crier, de juger voire de bousculer un enfant. En effet, en regardant autour de soi - et parfois même dans sa propre histoire - le modèle éducatif qui prédomine est souvent teinté de violence.  Alors pourquoi faire autrement ?

    De plus beaucoup estiment qu'être doux, attentionné, compréhensif et tolérant signifie que l'on manque de caractère, de force, de tempérament et de courage.

    Pourtant, choisir la bienveillance, la bonté et la douceur ne se fait pas automatiquement. Cela demande une réflexion profonde sur les raisons qui nous poussent à emprunter cette voie et sur la façon dont on peut s'y prendre pour réussir à faire émerger toute l'humanité et l'amour qui est en chacun de nous... sans en souffrir.

    L'exercice est complexe et demande que l'on y consacre du temps et de l'énergie.

    "Ce n'est pas le chemin qui est difficile, mais le difficile qui est le chemin".

    Nous qui aimons tellement la facilité, l'immédiateté, l'instantané, le tout tout de suite, voilà que l'on devrait se compliquer la vie pour aller dans un sens qui, de toute évidence, ressemble plutôt à un contre-sens et peut-être même à une voie sans issue ?

    Pourquoi faire ce choix d'être "ni hérisson ni paillasson", alors que la partie s'annonce horriblement compliquée, pour un résultat plus qu'incertain?

    C'est peut-être avec ces questions que tout commence...

     

    La cohérence: l'indispensable atout dans l'éducation de l'enfant.

    "Fais ce que je dis, mais pas ce que je fais".

    Nous sommes souvent promptes à dénoncer la violence des autres, surtout celles des enfants, et peu critiques envers notre propre violence, qui, de notre point de vue, est juste et légitime.

    L'enfant est peut-être plus sensible que l'adulte (quoique...) à l'écart qui existe parfois entre les paroles et les actes et il sait magnifiquement nous le faire remarquer, ce qui n'est pas sans nous agacer.

    Du coup, faut-il en déduire que l'enfant peut nous aider à gagner en cohérence ? Pour ma part je le crois(j'ai abondamment écrit à ce sujet sur ce blog). Rien de scientifique dans cette affirmation que je suis prêt à remettre en cause à tout moment :-)

    Être cohérent, dans la pratique, c'est faire attention à la parole de l'autre. Car c'est souvent lui qui va déceler dans notre attitude des incohérences, chose que nous ne sommes pas toujours en mesure de faire nous-même (être juge et partie complique forcément la situation). 

    Quand l'enfant me fait une remarque, qu'est-ce que cela provoque chez moi? Est-ce que je me sens agacé ? Est-ce que je peux en parler librement avec lui? Qu'est-ce qui me gêne vraiment ?

    Imaginons que l'adulte dise à l'enfant "t'arrêtes de dire des gros mots ?" et que l'enfant réponde "et vous alors ?". Là, nous sommes dans une situation ou le dialogue entre les deux protagonistes est possible (souhaitable ?).

    Bon, disons-le, l'enfant prend un risque en faisant ce genre de réponse à un adulte. Ce n'est peut-être pas le bon moment ou pas la bonne personne (je veux dire par là que certains adultes ne sont pas encore prêt à entendre un enfant leur demander des comptes).

    Je suis, pour ma part, friand de ce genre de situation ou l'enfant remet en cause ma parole car c'est ainsi que, bien souvent, j'ai évolué sur mon point de vue. Même si quelquefois, ce n'est pas très confortable pour moi...

    Déplacé la remarque de l'enfant ? Non ! Bien au contraire ! Elle est pile au bon endroit, là ou c'est pertinent.

    On pourrait imaginer un dialogue apaisé entre l'enfant et l'adulte:

    -"Vous alors ?...", qu'est-ce que tu veux dire par là ?

    -Vous aussi vous dites des gros mots.

    -C'est vrai tu as raison et je crois que j'ai tort de le faire. Tu crois qu'on est capable d'arrêter tous les deux de dire ce genre de mots ?

    La portée éducative d'une telle remise en cause chez l'adulte est considérable. Voilà que l'enfant se trouve face à un adulte qui reconnait ses erreurs et qui, en plus, lui demande de l'accompagner vers un changement salutaire.

    Disons-le encore et encore: ce n'est pas d'un adulte parfait dont l'enfant a besoin mais d'un adulte authentique et sincère, capable de reconnaitre ses erreurs et d'accepter celles des autres.

     

    La violence, naturelle ?

    Et je continue la chanson du début " Quand éclate une dispute je fais face, je fais front..."

    Faire front sans violence mais... pas sans "arme".

    L'arme de la non-violence c'est la parole, l'écoute, le soucis de clarté, l'empathie, la volonté et le courage.

    Une arme difficile à mobiliser, vous vous en doutez. Alors que personne ne peut nier qu'il est simple de laisser la colère nous emporter. Dans un cas, il faut faire appel à la raison, dans l'autre, il suffit de laisser aller.

    Néanmoins, la raison n'interdit pas la colère, il est important de le souligner. Cette agressivité naturelle et mobilisatrice que l'on ressent parfois est indispensable pour résister et tenir tête à la violence de l'autre. L'important est de ne pas la laisser nous guider mais au contraire de savoir l'utiliser à des fins raisonnables (non-violentes ;-).

    Allons encore plus loin avec ce texte de Jean Marie MULLER qui nous dit :

    "En réalité, ce n'est pas la violence qui est inscrite dans la nature humaine, mais l'agressivité. La violence n'est qu'une expression de l'agressivité, mais non l'agressivité elle-même, et ce n'est pas une nécessité naturelle que l'agressivité s'exprime par la violence".

    Voilà qui secoue quelques-unes de nos certitudes et qui, certainement, n'arrange pas nos affaires. En effet, avec ce point de vue s'écroule un argument que l'on entend assez souvent : la violence est naturelle".

    La violence est un choix, comme la non-violence, sauf que le premier bénéficie d'une image flatteuse et valorisante (du moins peut-on le penser) alors que le deuxième est plutôt perçu (nous y revenons) comme une faiblesse.

    Est-ce de la faiblesse que de parvenir à dominer ses émotions, à raisonner ses peurs, ses colères et autres pulsions violentes ? Est-de la faiblesse que de se dresser devant la violence pour dire un NON franc et combattif ?

    Pour ma part, être ni un hérisson ni un paillasson est un entrainement quotidien motivé par la perspective de voir les enfants m'imiter et souvent, me dépasser. C'est un effort de chaque instant pour rester lucide et être en mesure d'analyser, de réévaluer et de relativiser une situation.

    Et quand la non-violence s'impose - dans les faits - , je ne me sens pas faible mais plutôt plein de force et d'humanité et surement, parfois un peu fier aussi, surtout quand c'était difficile.

    Je suis alors heureux de ne pas m'être laissé emporter par mes passions. Et peut-être suis-je un peu moins ignorant que la veille ?

    Bien sûr, avec l'expérience, les vents sont moins forts et les vagues hautes plus rares, mais je m'efforce autant que possible de garder la conscience de l'effort pour essayer de ne pas me laisser surprendre.

     

    La violence, un choix difficile à assumer

    Vous n'entendrez que très rarement des gens dire " oui je lui ai collé une tarte parce que je n'ai pas réussi à contrôler ma colère" La plupart du temps on entend plutôt " Je l'ai insulté parce que il m'a dit ou fait cela..." " Je l'ai frappé car il m'a poussé ou menacé..."

    Celui ou celle qui utilise la violence a besoin de la légitimer aux yeux des autres mais aussi à ses propres yeux. Il faut la rendre belle, noble et juste.

     

    En définitif, ni hérisson ni paillasson est-ce que ça marche ?

    La question devrait être, est-ce que ça fait du bien? Sans hésitation oui ! Réussir à reproduire dans notre quotidien un modèle dont on sait qu'il est un idéal pour des millions d'humains à travers la planète, ça ne peut qu'être formidablement motivant et enthousiasmant.

    Et je ne vous parle même pas du plaisir de voir les enfants s'inspirer de cette pratique dont on sait que si elle était davantage pratiquée dans notre société, et bien on ne se porterait que mieux.

    Car aujourd'hui ce n'est pas d'un excès de douceur, d'humanité et d'amour dont souffre notre monde, non, c'est de brutalité, de bestialité et de haine. C'est cela qui nous détruit.

     

    Pour terminer je livre à votre réflexion un texte de Lanza Del  Vasto.

     

    « La non-violence n’est pas non-résistance au mal, elle n’est pas impuissance ni indifférence. Elle n’est pas inertie, ni force d’inertie. Elle n’est pas résignation à la fatalité. Elle n’est pas acceptation de l’injustice, ni concession, ni accommodement, ni prudente douceur, ni démission craintive, ni flatterie au tyran, ni complicité du silence et de l’inaction, ni tranquillité hautaine, ni désertion devant le combat. Elle défend au contraire sa cause avec une implacable ténacité, avec un calme provocant, et parfois elle attaque. Jamais elle ne fuit, jamais elle ne recule, jamais elle ne lâche prise, et jamais elle ne frappe. Elle riposte à chaque coup on s’offrant à d’autres coups. Elle riposte aux injures par la courtoisie. Elle riposte aux accusations de lâcheté par le témoignage de la présence au péril, et de l’endurance dans l’épreuve. Elle riposte aux mensonges par l’inlassable et précis rétablissement de la vérité. Elle riposte aux manœuvres par la simplicité et la droiture. Elle riposte aux risées par une gravité digne. A toute force du mal, elle oppose non une force de même nature, mais une force de nature opposée et qui la compense. »

     


     

     

     

     

     

     

     

     

    « Dé confinementPhilo pour les enfants: attention danger ? »
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  • Commentaires

    2
    Dimanche 5 Juillet 2020 à 18:32

    Souhaiteriez-vous participer à une publication avec Philippe Meirieu ? 

     

    Bonjour

    Je me présente : Jacques  Fraschini, je suis l’initiateur du site de partage gestesprofessionnels.com. Je vous contacte car à l’occasion de mes nombreuses recherches documentaires, j’ai pu découvrir et présenter votre travail dans les 100 dossiers documentaires que j’ai mis en ligne entre 2015 et 2017, et qui sont consacrés à ce que j’ai appelé les gestes professionnels transversaux. 

     

    Je commence à les remettre à jour, au rythme de deux par semaine (fin prévue vers décembre 2020). L’idée d’une  publication en format papier sur ce même thème est validée par Philippe Meirieu. Accepteriez-vous d’écrire un texte de présentation et de proposer des pistes d’approfondissements pour tel ou tel autre geste professionnel en s’inscrivant dans le cadre proposé par Philippe ? 

     

    Je vous propose déjà ma part du document concernant les 15 premiers GP tinyurl.com/y9y4ksu4. Vous pouvez pour l’instant choisir le ou les GP qui vous conviennent parmi les 100 répertoriés sur mon site, et m’avertir de votre choix afin d’éviter les doublons. Vous écrirez ensuite votre contribution en toute liberté, avec votre univers, nous nous organiserons plus tard si le projet est accepté.

     

    Si vous êtes partant(e), merci de me faire parvenir un numéro de téléphone et me préciser le moment où nous pourrions discuter de vive voix. 

     

    Je reste à votre disposition. Bien cordialement. Jacques Fraschini

     

      • Mercredi 22 Juillet 2020 à 07:48

        Merci Monsieur Fraschini pour cette demande et bravo pour le travail immense que vous réalisez via votre site Internet gestesprofessionnels.com.

        Comme vous pouvez le constater, j'écris de manière intuitive, simple et spontané. Je relate des expériences vécues au contact des enfants à qui je dois beaucoup, car, vous l'aurez sans doute remarqué, c'est eux qui me poussent à dépasser mes limites.

        Pour le reste, j'ai une feuille de route qui, depuis de nombreuses années, me sert de repère et me guide dans mon quotidien d'éducateur. Cette feuille de route tient en un document téléchargeable gratuitement et qui nous est offert par Jean-Marie Muller, écrivain, philosophe et homme engagé depuis très longtemps en faveur de la non-violence.

        Vous pouvez le télécharger en cliquant sur ce lien "de la non-violence en éducation".

        Mon "boulot" consiste alors à mettre en application ce que je comprends et retiens de cet ouvrage qui détaille avec minutie tous les grands principes de l'éducation à la paix, que chaque parent, enseignant et animateur devraient, à mon avis, connaitre et dont ils pourraient avantageusement s'inspirer.

        Et dans ce blog je ne fais qu'expliquer, avec mes mots, comment j'essaye de mettre en pratique ces théories qui me semblaient si abstraites il y encore 15 ans.

        Jean-Marie Muller, à travers ces écrits, nous offre une occasion incroyable d'oeuvrer pour la paix, de manière méthodique et précise. Ce monsieur n'a rien d'un utopiste. Il est pragmatique et réaliste.

        Il nous dit, par exemple, et c'est important, que la paix n'est pas l'absence de conflit mais la recherche de résolutions non-violentes du conflit,

        que la non-violence s'appuie d'abord et surtout sur la justice, car la confiance ne suffit pas pour construire une société de paix.

        Il démontre enfin à quel point il est plus courageux pour un individu de choisir la bonté et la bienveillance que la violence qu'il décrit comme une faiblesse.

        Et je pourrais continuer encore longtemps à interpréter les travaux de Monsieur Muller.

        Alors pour moi, sachez-le, contribuer à un quelconque travail sur l'éducation consisterait simplement à répéter ce qui est écrit dans l'ouvrage "de la non-violence en éducation", à travers le prisme de mon expérience.

        Encore bravo et merci pour vos efforts de synthèse.

         

         

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