• Un vocabulaire pour la non-violence

    Pour s'engager dans la voie de la non-violence et agir dans ce sens, il faut peut-être déjà comprendre les mots . C'est eux qui vont nous permettre de nous positionner face à la violence et nous aider à nous démarquer d'elle.

    Prenons par exemple, le mot "force". Utiliser la force, c'est être violent ou non-violent ?

    Voyons ce qu'en dit le philosophe et militant de la non-violence Jean-Marie-Muller dans l'ouvrage "De la non-violence et Education".

    "Il importe d'emblée d'établir une claire distinction entre "force" et "violence", sans quoi l'usage de l'un ou l'autre de ces deux termes risque fort de manquer son propos. Si nous désignons par force le pouvoir qui humilie, opprime, meurtrit et tue, nous n'aurons plus de mot pour désigner la force qui n'humilie pas, n'opprime pas, ne meurtrit pas, ne tue pas. Dès lors que les concepts de force et de violence se trouvent identifiés l'un à l'autre, les mots nous manquent pour nous demander s'il n'existerait pas une force qui ne serait pas violente.

    Au sens moral, la force est la vertu de l'homme qui a le courage de refuser de se soumettre à l'empire de la violence. L'homme fort, ce n'est pas celui qui possède les moyens de la puissance et de la violence, mais celui qui domine ses propres passions, qui résiste à l'entraînement des passions collectives et garde la maîtrise de son propre destin. Ici, l'opposé de la force, c'est précisément la faiblesse de celui qui ne sait pas résister à l'ivresse de la violence." Lire la suite...

    Ainsi, je comprends que la force peut se prévaloir d'être non-violente,

    que l'agressivité n'est pas, nous le verrons un peu plus loin, obligatoirement violente,

    que la non-violence se conçoit comme mode d'action et non d'inaction,

    que l'autorité se construit seulement dans le respect des droits des autres

    et enfin, que le conflit est fait pour être surmonté, dépassé et... transformé (?).

     

    Voilà qui est encourageant pour celles et ceux qui veulent préserver leur capacité de s'opposer à la violence avec force et vigueur sans toutefois se tromper de ...chemin.

    Et s'il y a bien un endroit ou la non-violence est "possible et souhaitable", c'est ici et aujourd'hui, en France ! Notre société permet plus facilement sans doute qu'à l'époque des Gandhi, M.L King et Mandela et mieux que nulle part ailleurs, de vivre en paix.

    Nous n'avons que peu de raisons de sortir "le couteau entre les dents" et les menaces que nous pouvons craindre au quotidien ne justifient pas vraiment l'utilisation de la violence qu'elle soit verbale ou physique. Car notre place, nous l'avons et pour la garder, si besoin, il existe...la justice. Quelle chance !

    Alors,... bonne route !

     

    Extraits du fascicule "De la Non-violence en éducation"   /  Jean-Marie Muller

     

    Le conflit

    "Au commencement est le conflit. Notre relation aux autres est constitutive de notre personnalité. Je n'existe qu'en relation avec autrui. L'existence humaine de l'homme, ce n'est pas son être-au- monde, mais son être-aux-autres. Cependant, souvent, j'expérimente ma rencontre avec l'autre comme une adversité, un affrontement. L'autre est celui dont les désirs s'opposent à mes désirs, dont les intérêts heurtent mes intérêts, dont les ambitions se dressent contre mes ambitions, dont les projets contrarient mes projets, dont la liberté menace ma liberté, dont les droits empiètent sur mes droits."

    ...

    Le conflit est premier, mais il ne doit pas avoir le dernier mot. Il n'est pas le mode primordial, mais le plus primaire de la relation à l'autre. Il est fait pour être surmonté, dépassé, transformé. L'homme qui s'efforce d'établir avec l'autre homme une relation pacifiée, dénuée de toute menace et de toute peur, se met en paix avec lui-même. Vis-à-vis de celui qui lui fait face, l'homme ne doit pas s'établir dans une relation d'hostilité, où chacun est l'ennemi de l'autre, mais il doit vouloir établir avec lui une relation d'hospitalité, où chacun est l'hôte de l'autre. Il est significatif que les termes hostilité et hospitalité appartiennent à la même famille étymologique : à l'origine les mots latins hostes et hospes désignent tous deux l'étranger. Celui-ci, en effet, peut être soit exclu comme un ennemi, soit être accueilli comme un hôte.

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    L'agressivité

    "La violence est tellement présente au cœur de l'histoire des hommes que nous sommes parfois tentés de penser qu'elle est inscrite au cœur même de l'homme. La violence serait ainsi "naturelle" pour l'homme. Il serait donc vain de parier sur la non-violence puisque ce serait aller contre la loi même de la nature. En réalité, ce n'est pas la violence qui est inscrite dans la nature humaine, mais l'agressivité. La violence n'est qu'une expression de l'agressivité, mais non l'agressivité elle-même, et ce n'est pas une nécessité naturelle que l'agressivité s'exprime par la violence". Lire la suite

     

    La non-violence

    "C'est Gandhi qui a offert à l'Occident le mot "non-violence" en tra- duisant en anglais le terme sanscrit ahimsa qui est usuel dans les textes de la littérature hindouiste, jaïniste et bouddhique. Il est formé du préfixe négatif a et du substantif himsa qui signifie le désir de nuire, de faire violence à un être vivant.

    L'ahimsa est donc la reconnaissance, l'apprivoisement, la maîtrise et la transmutation du désir de violence qui est en l'homme et qui le conduit à vouloir écarter, exclure, élimi- ner, meurtrir l'autre homme.

    Si l'on s'en tenait à l'étymologie, une traduction possible de a-himsa serait in- nocence.

    Les étymologies de ces deux mots sont en effet analogues : in-nocent vient du latin in-nocens et le verbe nocere (faire du mal, nuire) provient lui-même de nex, necis qui signifie mort violente, meurtre. Ainsi l'innocence est-elle en rigueur de terme la vertu de celui qui ne se rend coupable envers autrui d'aucune violence meurtrière. Cependant, de nos jours, le mot innocence évoque plutôt la pureté suspecte de celui qui ne commet pas le mal beaucoup plus par ignorance et par incapacité que par vertu. La non-violence ne saurait être confondue avec cette innocence-là, mais cette distorsion du sens du mot est significative : comme si le fait de ne pas commettre le mal révélait une sorte d'impuissance... La non- violence réhabilite l'innocence comme la vertu de l'homme fort et comme la sagesse de l'homme juste."

    ...

    "La non-violence et la vérité, écrit-il, sont si étroitement enlacées qu'il est pratiquement impossible de les démêler et de les séparer l'une de l'autre. Elles sont comme les deux faces d'une même médaille ou plutôt d'un disque métallique lisse et sans aucune marque. Qui peut dire quel en est le revers et quel en est l'avers? "  Lire la suite

     

    L'autorité, La sanction...

    "Serait violente, peut-on suggérer de manière analogique, toute éducation où le maître parlerait comme s'il était seul à parler ; comme si les enfants n'étaient là que pour recevoir son discours. Serait violente toute éducation que les enfants subiraient sans en être jamais les collaborateurs. Cela signifie que l'éducateur doit accepter de dialoguer et de débattre avec ses élèves. Or, force est de reconnaître que le modèle pédagogique traditionnel a conféré au maître un pouvoir presque absolu sur ses élèves. Ceux-ci n'avaient aucunement le droit de s'exprimer et lorsqu'ils parlaient, c'était sur l'injonction du maître qui les mettait à la question. Et ils n'avaient droit qu'à une seule réponse : celle que le maître attendait d'eux."

    ....

    "L'éducateur devra constamment faire valoir le rapport existant entre la loi et la justice. Les interdits de la loi n'ont d'autre visée que de garantir la justice, c'est- à-dire le respect des droits de tous et de chacun. Il faut que l'enfant éprouve personnellement, qu'il expérimente lui-même que son obéissance à la loi rend possible la vie harmonieuse de la communauté scolaire. L'enfant doit intérioriser la "règle d'or" proposée par toutes les traditions spirituelles : "Ce que tu ne veux pas que les autres te fassent, ne le fais pas aux autres"

    ...

    La sanction éducative

    "Lorsque l'autorité de l'éducateur ne peut parvenir à convaincre l'enfant de respec- ter les obligations de la loi, il lui faut recourir à des mesures de contrainte. Il convient donc, pour toute transgression de la loi, de prévoir une sanction, mais celle-ci doit être cohérente avec l'ensemble du projet pédagogique.

    Le but de la sanction n'est pas la punition (du verbe latin punire qui signifie se venger), mais encore et toujours l'éducation. Elle doit permettre de faire comprendre à l'enfant qu'il a rompu le contrat qu'il avait lui-même accepté et lui donner la possibilité de s'investir dans une réparation. La sanction se justifie d'abord négativement par le fait que son absence, c'est-à-dire l'impunité, encourage l'enfant récalcitrant à s'installer dans la transgression de la loi. La sanction n'a pas pour finalité de rétablir l'autorité de l'éducateur, mais de rétablir la primauté de la loi."

    Fin du paragraphe

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