• J'ai le droit...

           Pendant plusieurs années, j'ai mis en place des chartes sur les droits de l'enfant dans les établissements scolaires de ma ville, porter des projets sur ce thème à travers des évènements artistiques dans mon quartier et au delà, j'ai parlé, débattu sur le sujet avec des enseignants, des animateurs, des éducateurs, des parents, des responsables politiques et autres.

    Ce fût une belle expérience particulièrement enrichissante au cours de laquelle j'ai pu mesurer toute la difficulté parfois à aborder un sujet - les droits de l'enfant - qui peut paraitre, à priori anodin, autour duquel on aurait pu imaginer qu'il soit facile de trouver un consensus. Et pourtant... .

    "Les enfants ont trop de droits !"

    C'est peut-être l'argument que j'ai le plus entendu pendant cette période ou je proposais simplement de placer l'enfant au centre du projet éducatif dont il devait, avec les adultes, bénéficier.

    Quelle autre catégorie de la population pourrait s'entendre dire qu'elle a "trop de droits"? J'imagine, à juste titre, les levés de boucliers que cela provoquerait si on s'amusait à cibler telle ou telle communauté de pareille manière.

    En fait, et je l'ai compris beaucoup plus tard, parler des droits de l'enfant revient, dans l'esprit de beaucoup d'adultes, à menacer le pouvoir de l'adulte.

    L'adulte se pense, à tort ou à raison, dépossédé de sa capacité à diriger son groupe si les membres de ce groupe peuvent jouir de droits clairement établis. Les enfants passent alors de la soumission à la responsabilisation et c'est en cela que l'adulte perd de son pouvoir.

    Il gagne en revanche en autorité car il devient celui qui accompagne l'enfant au dehors du cadre conventionnel, aseptisé et formaté.

    Cette perspective fait peur à bon nombre d'adultes, et je peux le comprendre.

    Moi-même avant de l'avoir vécu et malgré un esprit aventureux, j'avais des craintes, que les enfants ont totalement dissipées tant ils se sont montrés à la hauteur de l'enjeu.

    Car oui, l'enjeu était important car j'avais parié sur la capacité de l'enfant à devenir plus grand, plus responsable, plus libre sans pour autant se transformer en tyran.

    En cela l'expérience s'est montrée concluante.

    "A l'école, les enfants doivent pouvoir profiter d'espaces pour s'exercer à la démocratie. Ces espaces peuvent être de plus en plus vastes en fonction de l'âge des élèves. Mais cet apprentissage de la démocratie doit demeurer sous l'autorité des adultes qui doivent imposer aux enfants des limites non négociables."

     

    Un jour dans une école élémentaire ou j'étais chargé par la mairie de ma ville de mettre en place le projet Ni hérisson ni paillasson sur la pause méridienne, une enseignante était venue me voir pour me demander si il était possible de mettre en place une démarche similaire dans sa classe, en l'adaptant bien évidemment.

    Après avoir longuement échangé avec cette enseignante et ne voulant pas la brusquer, je lui ai simplement posé une question:

    Pouvez-vous, avant tout, faire la synthèse des droits dont les enfants disposent dans votre classe ?

    Elle est revenue une semaine après, un peu gênée, et m'a dit ceci: "je me suis rendue compte que mes élèves avaient surtout des devoirs, des interdits et, finalement, peu ou pas de droits". 

    En fait, cette (courageuse) enseignante n'était pas un cas isolé, je m'en suis rendu compte par la suite.

    Comment peut-on expliquer cette situation ?

    L'égalité est une belle valeur n'est-ce pas ?

    En pratique, cela nécessite une prise de risque, une perte de temps et de pouvoir. Quand vous incitez des enfants à faire valoir leurs droits, ils sont les premiers à vous signaler tout manquement (en cela ils ne sont pas très différents de nous, n'est-ce pas ?).

    C'est justement ainsi que l'on permet aux enfants de faire l'expérience de la... démocratie.

    "Tu as des droits, tu en es responsable et cela implique de ta part, des devoirs."

    Et en pratique,ça marche !

    Une fois que les droits sont établis, l'enfant devient, au fil du temps, de plus en plus responsable car il comprend très vite tous les avantages qu'il peut en tirer. Sa voix est prise en compte dans la plupart des sujets qui le concerne et il découvre peu à peu l'égalité de droits et de traitement. Bien sur il ne décide pas de tout mais il investit peu à peu des espaces qui lui sont "réservés" et pour lesquels il a véritablement son mot à dire.

    Au delà de l'expérience passionnante vécue à travers le projet ni hérisson ni paillasson, j'ai eu la chance d'animer, un autre projet, cette fois, en milieu associatif dans lequel l'avis des enfants étaient encore davantage pris en compte.

    Avec une équipe d'animatrices et d'animateurs motivés, les enfants ont pu vivre, durant tout un trimestre, une expérience unique:

    pratiquer des activités qu'ils ont choisi avec un fonctionnement qui les impliquaient à tous les niveaux, autant que cela était possible (gestion des conflits, organisation du temps et des activités,...).

    Ce projet s'appelait : enfants droits devant ! (ça ne s'invente pas)

     

    Construire un cadre qui permet aux enfants de s'impliquer et de faire entendre leur voix est non seulement possible mais souhaitable si l'on veut que notre jeunesse développe son sens critique et son appétence  pour la citoyenneté.

    Les enfants sont pleins de ressources. Ils sont étonnants, ingénieux, raisonnables et capables de se responsabiliser pour peu que nous leur fassions confiance. Cela ne signifie pas que nous devons laisser l'enfant libre de faire ce qu'il veut mais plutôt lui permettre de goûter aux joies de l'égalité et de la justice, qu'il soit libre de donner son avis et de critiquer ce qu'on lui propose, en argumentant dans le respect de l'autre et ce dans les limites que l'adulte aura fixé.

    C'est ainsi que nous fabriquerons des générations d'enfants citoyens et responsables.

    Qu'on se le dise !

     

     

    « Fais de ton mieuxAvant, les enfants respectaient les adultes ! »
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