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"Je ne sais pas si ça suffira..."
De par mes activités professionnelles et mes lieux d'habitations j'ai très souvent vécu au contact de populations issues de la diversité, des gens aux origines et croyances variées qui, la plupart du temps, s'entassent dans des quartiers ou la pauvreté, la délinquance et la violence sont leur lot quotidien.
Durant de nombreuses années j'ai participé à des animations de quartiers, organisé des ateliers et des évènements où la convivialité, l'échange et le partage demeuraient des valeurs sûres. Dans ces moments de rassemblement j'ai toujours été frappé par la simplicité, l'authenticité et la chaleur qui y régnaient.
Un autre élément m'a souvent enthousiasmé: c'est la fierté que l'on voit dans le regard des parents lorsque leurs enfants sont mis en avant lors d'un spectacle, d'un concours ou autre.
J'ai souvenir d'une remise des prix en 2019 à l'occasion d'un concours de lecture à voix haute que nous avions organisé dans un des quartiers pauvres de Salon-de-Provence. Cette manifestation avait rassemblé une cinquantaine de personnes et avait vu la victoire d'une enfant arrivée en France 2 ans auparavant.
C'était très émouvant de voir à quel point ses parents étaient fiers d'elle. Malheureusement on ne parle pas assez, à mon goût, de ces familles qui font tout ce qu'elles peuvent pour se plier aux exigences de notre société occidentale malgré une culture et des codes différents.
Et contrairement à ce qui se dit dans certains milieux, ce n'est pas un cas isolé.
Dans la presse, en général, et dans les discours politiques, on insistera davantage sur les incidents qui éclatent dans les quartiers populaires en "oubliant" de dire qu'il y a aussi des gens dans ces quartiers qui ne souhaitent qu'une chose : vivre en paix.
Mais la paix ne fait pas vraiment monter l'audience des chaines d'infos n'est-ce pas ?
Je suis sincèrement inquiet devant la monté du Rassemblement National et du masque séduisant dont il se pare pour conquérir un électorat plus large et réussir à gravir la plus haute marche du pouvoir.
Apparemment, ça fonctionne...
Une jeune fille me disait après la parution des résultats des Européennes en juin: "J'ai peur de voir les extrémistes au pouvoir. Je suis pourtant française (d'origine maghrébine) mais je ne sais pas si ça suffira..." sous-entendu je ne sais pas si ils (le RN) en tiendront compte au final...
Quelle peine d'entendre des peurs qui résonnent aussi en moi.
Je répète depuis des années aux enfants que je rencontre à l'école et dans les quartiers qu'en France, on ne te jugera pas à la couleur de ta peau ou à ta religion mais sur tes actes.
Bien sûr avec le temps j'ai appris à modérer mes propos car ils ont parfois été reçus de manière très négative par celles et ceux qui subissent des discriminations à l'embauche ou pour l'attribution d'un logement.
Un professeur d'université que j'ai croisé lors d'une de mes animations me disait :
"Tu sais Marcel, je suis français, mais certains me voit avant tout comme un arabe et pour avoir été contrôlé avec rudesse par la police, j'ai compris que ce n'était pas un détail que je devais oublier..."
Je suis triste de voir peu à peu mon pays effacer de sa mémoire collective la devise qui est pourtant inscrite sur le fronton des bâtiments publics " LIBERTE, EGALITE, FRATERNITE".
Nous jouons avec le feu et j'ai bien peur que la plupart des "fans" de l'extrême droite ne soient pas tous conscients des processus qui sont à l'oeuvre.
On commence par choisir qui est légitime dans un pays et qui ne l'est pas, et peu à peu on applique des critères de plus en plus discriminants afin de donner priorité aux "vrais français".
J'aimerais tellement dire à ces gens qui détestent les noirs, les arabes, les musulmans, les juifs et tout ceux qui ne leur ressemblent pas: "Venez les rencontrer, venez leur parler, vous verrez qu'ils ont, comme vous, envie de voir leurs enfants heureux tout simplement."
Il y a dans les quartiers des personnes qui commettent des délits, des violences, oui il y a des jeunes qui trafiquent et d'autres qui se laissent embrigader dans le fanatisme religieux, oui il y a des profiteurs.
Mais soyons honnêtes, il a des imbéciles partout et ce n'est pas la couleur de peau, l'origine ou la religion qui les définit.
"Attention ! Il est si tôt trop tard"
"Quand on ne sait pas qui on est, on est ravi qu'une dictature vous prenne en charge et , dès l'instant où l'on se soumet à un maître, à un texte unique, on devient fanatique." Boris Cyrulnik
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