• Nous sommes dans un collège d'une charmante petite ville des Alpes Maritimes en classe de 3e, le professeur d'Histoire-Géo annonce aux élèves une interrogation écrite surprise. Quelques réactions se font entendre dans la classe, rapidement étouffées par l'injonction de l'enseignant:

    "Silence ! Prenez une feuille simple !"

    D'une démarche lourde et assurée, le professeur arpente la classe, passant entre les rangées de tables bien alignées, et balaye du regard le groupe d'élèves comme pour s'assurer que chacun a bien saisit la consigne.

    Chacun sait à quoi il s'expose si il contrevient aux ordres de l'adulte. Au mieux une punition, peut-être pire...

    Pourtant, à peine l'enseignant s'est-il installé face au tableau noir pour écrire le sujet sur lequel la classe va devoir plancher, qu'un gloussement se fait entendre derrière lui. D'un seul coup, le professeur se retourne foudroyant du regard les enfants. Soudain, ses yeux s'arrêtent sur un élève. Comme pris d'une colère puissante, il se précipite vers le supposé coupable, le saisit par l'oreille, l’extirpe de derrière son bureau et le traîne jusqu'à l'estrade placée devant le tableau noir.

    "Monsieur se croit plus malin que les autres, hein ?" hurle le professeur en pressant fort sur l'esgourde du pauvre enfant bien obligé de suivre le mouvement.

    Une fois arrivée sur l'estrade, l'adulte lâche son emprise laissant l'élève seul sur la marche, face à ses camarades. Dans la classe un silence lourd s'est installé.

    Nous sommes dans les années 70 et l'enseignant règne en maître sur ses élèves. Il peut user, presque sans retenue, de la violence physique, verbale, psychologique sans se voir inquiété par quiconque.

    À cette époque, il n'était pas rare de voir le prof lancer un projectile plus ou moins volumineux sur un élève dissipé (et parfois le manquer, oups !) pendant un cours, de se voir humilié devant ses camarades après de mauvaises notes et de prendre des coups (de pied, de règle) quand l'adulte (souvent un homme) avait décidé de passer sa colère sur la "tête de turc" de la classe.

    Si tu ne respectais pas le professeur ou tout autre personnel de l'établissement scolaire, tu risquais de voir cette violence injuste et arbitraire s'abattre sur toi sans avoir le droit de protester.

    Et c'était souvent pareil au sein de la famille.

    Nous devions respecter l'adulte - se soumettre à lui - non par choix ou parce que nous lui reconnaissions une quelconque autorité naturelle mais avant tout par peur de la douleur et de l'humiliation.

    Voilà ce que l'on appelait le RESPECT dans ces années-là.

    Quand j'entends certains de mes pairs regretter cette époque où l'on "respectait" l'adulte, j'ai du mal à comprendre cette "nostalgie" d'un passé dont j'ai personnellement gardé de très mauvais souvenirs.

    Pour eux c'est comme si les droits acquis par les enfants, au fil du temps, étaient usurpés. Est-ce que les enfants sont une population qui vit en dehors de la société ?

    On pourrait, si je suis ce raisonnement, frapper seulement les enfants, humilier seulement les enfants, maltraiter seulement les enfants pour obtenir le respect ?

    En quelque sorte, la fin justifierait les moyens... .

    Est-ce ainsi que l'on construit une société de liberté, d'égalité et de fraternité ?

    Si en 2024 nous en sommes encore à regretter le manque de violence envers les plus jeunes, c'est certainement que nous avons raté la marche de la civilisation et du progrès.

    Réduire la violence faites aux enfants partout ou cela est possible devrait être notre but ultime. On voit les dégâts et on connait les conséquences pour celles et ceux qui sont victimes, dans leur enfance, d'adultes maltraitants.

    Certes la violence ça ne tue pas toujours mais ça rend malheureux, parfois même très malheureux.

    Et ça nous ne pouvons le souhaiter à personne.

     

     

    Extrait de l'article "un-vocabulaire-pour-la-non-violence "

    "Serait violente, peut-on suggérer de manière analogique, toute éducation où le maître parlerait comme s'il était seul à parler ; comme si les enfants n'étaient là que pour recevoir son discours. Serait violente toute éducation que les enfants subiraient sans en être jamais les collaborateurs. Cela signifie que l'éducateur doit accepter de dialoguer et de débattre avec ses élèves. Or, force est de reconnaître que le modèle pédagogique traditionnel a conféré au maître un pouvoir presque absolu sur ses élèves. Ceux-ci n'avaient aucunement le droit de s'exprimer et lorsqu'ils parlaient, c'était sur l'injonction du maître qui les mettait à la question. Et ils n'avaient droit qu'à une seule réponse : celle que le maître attendait d'eux."

     

     

     

                            Tous des artistes !                                                                                                                                    

     

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  •        Pendant plusieurs années, j'ai mis en place des chartes sur les droits de l'enfant dans les établissements scolaires de ma ville, porter des projets sur ce thème à travers des évènements artistiques dans mon quartier et au delà, j'ai parlé, débattu sur le sujet avec des enseignants, des animateurs, des éducateurs, des parents, des responsables politiques et autres.

    Ce fût une belle expérience particulièrement enrichissante au cours de laquelle j'ai pu mesurer toute la difficulté parfois à aborder un sujet - les droits de l'enfant - qui peut paraitre, à priori anodin, autour duquel on aurait pu imaginer qu'il soit facile de trouver un consensus. Et pourtant... .

    "Les enfants ont trop de droits !"

    C'est peut-être l'argument que j'ai le plus entendu pendant cette période ou je proposais simplement de placer l'enfant au centre du projet éducatif dont il devait, avec les adultes, bénéficier.

    Quelle autre catégorie de la population pourrait s'entendre dire qu'elle a "trop de droits"? J'imagine, à juste titre, les levés de boucliers que cela provoquerait si on s'amusait à cibler telle ou telle communauté de pareille manière.

    En fait, et je l'ai compris beaucoup plus tard, parler des droits de l'enfant revient, dans l'esprit de beaucoup d'adultes, à menacer le pouvoir de l'adulte.

    L'adulte se pense, à tort ou à raison, dépossédé de sa capacité à diriger son groupe si les membres de ce groupe peuvent jouir de droits clairement établis. Les enfants passent alors de la soumission à la responsabilisation et c'est en cela que l'adulte perd de son pouvoir.

    Il gagne en revanche en autorité car il devient celui qui accompagne l'enfant au dehors du cadre conventionnel, aseptisé et formaté.

    Cette perspective fait peur à bon nombre d'adultes, et je peux le comprendre.

    Moi-même avant de l'avoir vécu et malgré un esprit aventureux, j'avais des craintes, que les enfants ont totalement dissipées tant ils se sont montrés à la hauteur de l'enjeu.

    Car oui, l'enjeu était important car j'avais parié sur la capacité de l'enfant à devenir plus grand, plus responsable, plus libre sans pour autant se transformer en tyran.

    En cela l'expérience s'est montrée concluante.

    "A l'école, les enfants doivent pouvoir profiter d'espaces pour s'exercer à la démocratie. Ces espaces peuvent être de plus en plus vastes en fonction de l'âge des élèves. Mais cet apprentissage de la démocratie doit demeurer sous l'autorité des adultes qui doivent imposer aux enfants des limites non négociables."

     

    Un jour dans une école élémentaire ou j'étais chargé par la mairie de ma ville de mettre en place le projet Ni hérisson ni paillasson sur la pause méridienne, une enseignante était venue me voir pour me demander si il était possible de mettre en place une démarche similaire dans sa classe, en l'adaptant bien évidemment.

    Après avoir longuement échangé avec cette enseignante et ne voulant pas la brusquer, je lui ai simplement posé une question:

    Pouvez-vous, avant tout, faire la synthèse des droits dont les enfants disposent dans votre classe ?

    Elle est revenue une semaine après, un peu gênée, et m'a dit ceci: "je me suis rendue compte que mes élèves avaient surtout des devoirs, des interdits et, finalement, peu ou pas de droits". 

    En fait, cette (courageuse) enseignante n'était pas un cas isolé, je m'en suis rendu compte par la suite.

    Comment peut-on expliquer cette situation ?

    L'égalité est une belle valeur n'est-ce pas ?

    En pratique, cela nécessite une prise de risque, une perte de temps et de pouvoir. Quand vous incitez des enfants à faire valoir leurs droits, ils sont les premiers à vous signaler tout manquement (en cela ils ne sont pas très différents de nous, n'est-ce pas ?).

    C'est justement ainsi que l'on permet aux enfants de faire l'expérience de la... démocratie.

    "Tu as des droits, tu en es responsable et cela implique de ta part, des devoirs."

    Et en pratique,ça marche !

    Une fois que les droits sont établis, l'enfant devient, au fil du temps, de plus en plus responsable car il comprend très vite tous les avantages qu'il peut en tirer. Sa voix est prise en compte dans la plupart des sujets qui le concerne et il découvre peu à peu l'égalité de droits et de traitement. Bien sur il ne décide pas de tout mais il investit peu à peu des espaces qui lui sont "réservés" et pour lesquels il a véritablement son mot à dire.

    Au delà de l'expérience passionnante vécue à travers le projet ni hérisson ni paillasson, j'ai eu la chance d'animer, un autre projet, cette fois, en milieu associatif dans lequel l'avis des enfants étaient encore davantage pris en compte.

    Avec une équipe d'animatrices et d'animateurs motivés, les enfants ont pu vivre, durant tout un trimestre, une expérience unique:

    pratiquer des activités qu'ils ont choisi avec un fonctionnement qui les impliquaient à tous les niveaux, autant que cela était possible (gestion des conflits, organisation du temps et des activités,...).

    Ce projet s'appelait : enfants droits devant ! (ça ne s'invente pas)

     

    Construire un cadre qui permet aux enfants de s'impliquer et de faire entendre leur voix est non seulement possible mais souhaitable si l'on veut que notre jeunesse développe son sens critique et son appétence  pour la citoyenneté.

    Les enfants sont pleins de ressources. Ils sont étonnants, ingénieux, raisonnables et capables de se responsabiliser pour peu que nous leur fassions confiance. Cela ne signifie pas que nous devons laisser l'enfant libre de faire ce qu'il veut mais plutôt lui permettre de goûter aux joies de l'égalité et de la justice, qu'il soit libre de donner son avis et de critiquer ce qu'on lui propose, en argumentant dans le respect de l'autre et ce dans les limites que l'adulte aura fixé.

    C'est ainsi que nous fabriquerons des générations d'enfants citoyens et responsables.

    Qu'on se le dise !

     

     

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  • L'élève s'affaire sur son travail. Il essaye mais n'y arrive pas malgré les explications données par la professeur et l'aide de son accompagnant.

    Il lâche du bout des lèvres:

    -je suis bête...

    -Qu'est-ce qui te fait dire ça ? dit l'adulte

    -J'arrive pas et les autres oui.

    -Ne pas y arriver ne veut pas dire que l'on est bête mais qu'il nous faut essayer encore, une fois, deux fois, dix fois peut-être.

    -Et si je n'y arrive pas en dix fois ?

    -Alors tu essayeras encore 10 fois, 100 fois et au bout du compte tu auras fait grandir ton intelligence et ton courage.

    -Mais pourquoi c'est plus dur pour moi ?

    - On est tous différents, certains courent très vite, d'autres calculent rapidement. Le principal est de ne jamais se décourager et d'être gentil avec nous-même surtout quand on ne réussit pas.

    On apprend comme on peut, avec nos moyens. Peut-être que l'on apprendra pas autant que les autres mais on aura fait de son mieux et c'est ça qui compte. Faire de son mieux. Tu comprends ?

    -Oui, je comprends. Mais moi, si j'avais l'intelligence des autres, je lèverai la main à chaque fois que la professeur pose une question. Et je travaillerais tout le temps sans m'arrêter.

     

     

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  • Avec ma main

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